Après avoir complété l’analyse de l’ensemble du dossier et des commentaires reçus, la Commission de la représentation électorale (CRE) rend sa décision finale concernant la nouvelle carte électorale du Québec.
Unanimement, les commissaires décident de maintenir le retrait d’une circonscription sur l’île de Montréal ainsi qu’une autre en Mauricie et d’ajouter deux circonscriptions dans la région des Laurentides-Lanaudière.
Pour une représentation juste et équitable
La Loi électorale prévoit des règles dont l’objectif est d’assurer la représentation effective des électeurs.
Il importe d’assurer l’égalité relative du vote, c’est-à-dire que le poids du vote d’un électeur ne doit pas être disproportionné par rapport au poids du vote d’un autre électeur, à moins d’une situation exceptionnelle. Pour ce faire, il faut regrouper un nombre d’électeurs à peu près égal au sein de chaque circonscription du Québec.
Ensuite, il faut veiller à ce que chaque circonscription représente une communauté naturelle établie en se fondant sur des considérations d’ordre démographique, géographique et sociologique.
Un ensemble de critères entrent alors en jeu, dont, notamment : la densité de la population et son taux relatif de croissance, la configuration des régions, les frontières naturelles du milieu, le sentiment d’appartenance des citoyens, les quartiers, les pôles régionaux de développement, le patrimoine culturel et historique ainsi que les limites administratives.
Il s’agit donc de créer des entités géographiques cohérentes et de regrouper, dans la mesure du possible, des collectivités présentant des intérêts communs.
Aucun de ces critères n’est pris isolément, ce qui exige une analyse rigoureuse et minutieuse du territoire et des commentaires reçus. C’est la démarche qu’a effectuée la CRE depuis le début de ses travaux en 2014 pour arriver à sa décision finale aujourd’hui.
Île de Montréal
Les constats
Il faut rappeler que dans l’île de Montréal, 17 des 28 circonscriptions comptent un nombre d’électeurs inférieur à la moyenne québécoise qui est de 48 387. Plusieurs d’entre elles présentent une croissance du nombre d’électeurs moins importante qu’ailleurs au Québec. Le nombre de circonscriptions dans cette région est donc supérieur à son poids électoral au sein du Québec.
Parmi la douzaine de circonscriptions les moins populeuses de l’île, on trouve notamment celles d’Outremont, de Mercier, de Westmount–Saint-Louis, de Notre-Dame-de-Grâce, de D’Arcy McGee, d’Hochelaga-Maisonneuve, de Sainte-Marie–Saint-Jacques, de Gouin et de Mont Royal.
Plusieurs de ces circonscriptions sont situées dans un secteur bordé par des frontières urbaines relativement fortes telles que les boulevards de l’Acadie et Métropolitain, des échangeurs ferroviaires et les autoroutes du Souvenir et Ville-Marie. À cela, il faut ajouter le mont Royal qui occupe largement le centre de ce secteur.
On y trouve également le centre des affaires, de nombreux quartiers et une multitude de communautés naturelles différentes tant sur le plan social qu’économique.
C’est donc avec ces multiples réalités qu’ont composé les membres de la CRE pour réaliser leurs travaux. Pour ce faire, au regard de tous les commentaires reçus, ils ont réexaminé les deux propositions concernant l’île de Montréal, celle de leur rapport préliminaire et celle de leur second rapport, en explorant toutes les possibilités pour dégager la meilleure option possible.
La proposition de Mont-Royal–Outremont
Dans son rapport préliminaire, la CRE proposait la création d’une circonscription regroupant celles de Mont-Royal et d’Outremont pour former Mont-Royal–Outremont. Des modifications étaient également proposées aux circonscriptions de D’Arcy-McGee, de Notre-Dame-de-Grâce et de Mercier afin d’assurer une meilleure égalité du vote des électeurs.
Les commentaires reçus à la suite de cette proposition ont fait état d’une croissance démographique prévue à moyen terme dans ce secteur, principalement en raison de constructions domiciliaires. Il a été soumis aux membres que des disparités socioéconomiques devaient être prises en considération, de même que les liens d’appartenance des différentes communautés qui seraient touchées par ces changements.
La proposition de Ville-Marie
Dans son second rapport, la CRE proposait de créer la circonscription Ville-Marie, couvrant la majeure partie du centre-ville de Montréal et dont les limites respectaient en grande partie celles de l’arrondissement municipal du même nom. Les commissaires y voyaient un dénominateur commun, le centre-ville, qui lui semblait avoir un fort potentiel pour relier la pluralité des communautés naturelles s’y trouvant.
Plusieurs commentaires ont contribué à préciser le caractère propre des nombreuses communautés naturelles composant cette circonscription et l’absence de liens d’appartenance entre les quartiers qu’il était proposé de regrouper. Les disparités socioéconomiques, tant au regard des revenus des ménages et de la langue que des communautés d’intérêts, ont aussi été largement soumises. Il a également été souligné que des constructions domiciliaires à venir auront une incidence sur la croissance démographique à moyen terme.
Il importe de souligner que plusieurs commentaires ont porté sur la nécessité de préserver le poids politique d’un parti à l’Assemblée nationale plutôt que sur les principes de l’égalité du vote des électeurs et du respect des communautés naturelles. Ces commentaires n’ont pas pu être considérés dans la prise de décision finale.
La décision
Pour l’île de Montréal, les deux options analysées présentent des inconvénients pour les communautés naturelles et des similitudes quant à la croissance démographique à moyen terme.
Cependant, les disparités soulevées au regard des différentes communautés naturelles qui auraient composé Ville-Marie ont convaincu les commissaires de la CRE que leur vision d’une circonscription correspondant au centre-ville de Montréal, qu’ils voyaient comme porteuse et rassembleuse, n’était pas partagée par les électeurs des circonscriptions touchées.
Les commissaires ont décidé de retenir la proposition venant créer la circonscription de Mont-Royal–Outremont, et ce, après avoir soupesé l’ensemble des éléments portés à leur connaissance. Cette proposition paraît être la meilleure option pour la majorité des électeurs dans le contexte actuel. Elle permet de respecter le plus possible l’ensemble des communautés naturelles présentes dans tout ce secteur de l’île de Montréal composé actuellement des circonscriptions de D’Arcy-McGee, de Notre-Dame-de-Grâce, de Westmount–Saint-Louis, d’Outremont, de Mont-Royal, de Mercier, de Sainte-Marie–Saint-Jacques, de Saint-Henri–Sainte-Anne et d’Hochelaga-Maisonneuve.
Mauricie
Les constats
Sur la base des données récentes, les membres de la CRE constatent que deux circonscriptions ont un nombre d’électeurs inférieur au seuil prévu par la Loi, qui vise à assurer l’égalité relative du vote, soit Laviolette et Saint-Maurice. De plus, dans la région de la Mauricie, la croissance du nombre d’électeurs a été nettement en deçà de celle de l’ensemble du Québec. Il en résulte que son poids électoral est maintenant plus faible que celui représenté par son nombre de circonscriptions. En conséquence, le retrait de l’une d’elles s’avère nécessaire.
En ce qui a trait aux commentaires soumis, ils soulèvent principalement des questions quant aux liens d’appartenance qu’entretiennent certaines communautés entre elles et au respect des limites administratives des MRC.
La décision
Après analyse de l’ensemble des éléments, les commissaires ont décidé de maintenir essentiellement la proposition de délimitation telle que décrite dans son second rapport.
Ainsi, elle maintient la délimitation proposée en ce qui concerne le regroupement des municipalités de Trois-Rives, de Saint-Roch-de-Mékinac et de Grandes-Piles dans Laviolette–Saint-Maurice. Ces municipalités sont tournées vers la rivière Saint-Maurice et leurs populations sont situées près de la route 155, seul lien routier qui relie les villes de La Tuque et de Shawinigan. Ces municipalités ont des liens naturels et des affinités socioéconomiques, et elles partagent des intérêts communs.
Cependant, nous apportons certains ajustements à la suite de commentaires qui ont démontré les nombreux liens socioéconomiques et les affinités que partage la paroisse de Notre-Dame-du-Mont-Carmel avec la ville de Shawinigan. La CRE décide donc d’inclure la paroisse de Notre-Dame-du-Mont-Carmel à Laviolette–Saint-Maurice. Il a également été suggéré de maintenir le quartier Saint-Louis-de-France dans Champlain afin de respecter la barrière que constitue la rivière Saint-Maurice.
Finalement, les membres ont décidé d’inclure le secteur de la ville de Trois-Rivières situé à l’est de l’autoroute de l’Énergie (55), qui fait actuellement partie de Maskinongé, à la circonscription de Trois-Rivières pour assurer une plus grande cohérence géographique plus représentative des communautés naturelles.
Laurentides-Lanaudière
Les constats
La région des Laurentides-Lanaudière a connu une forte croissance du nombre d’électeurs au cours des dernières années. Cette hausse s’avère la plus importante parmi les régions électorales du Québec. Cette augmentation soutenue a eu un effet direct sur le poids électoral de cette région, qui est actuellement la plus sous-représentée du Québec. Pour assurer une représentation juste et équitable des électeurs, la CRE a donc proposé l’ajout de deux circonscriptions dans cette région, celles de Prévost et des Plaines.
La décision
Les changements proposés pour la région des Laurentides-Lanaudière ont été bien accueillis, confirmant ainsi la décision de maintenir la délimitation proposée dans le second rapport.
Ailleurs au Québec
Pour les autres régions, les membres maintiennent les propositions qui ont été faites dans leur second rapport. De plus, la décision finale maintient le statut d’exception accordé à six circonscriptions en raison de leurs caractéristiques particulières.
La dénomination de Crémazie
Plusieurs propositions ont été acheminées concernant le changement de nom de la circonscription de Crémazie pour celui de Maurice-Richard.
Les membres de la CRE ont tenu compte des commentaires reçus. La désignation toponymique commémorative d’un lieu doit présenter une relation significative avec celui-ci. Dans ce cas-ci, Maurice Richard a habité ce territoire pendant une cinquantaine d’années. Au-delà de ses exploits à titre de hockeyeur, il y est reconnu pour son implication communautaire, notamment au regard du sport amateur, et il a été un personnage marquant pour l’ensemble des Québécois.
Pour une première fois, le souvenir d’un sportif sera rappelé dans le nom d’une circonscription au Québec puisque la CRE accepte le changement de dénomination.
Une nouvelle carte électorale
Cet exercice rigoureux et non partisan que représente l’établissement d’une nouvelle carte électorale pour le Québec se termine à la suite de plus de deux ans d’analyses et de consultations publiques.
« Un fait demeure et se reflète partout au Québec, il s’avère impossible d’assurer une homogénéité parfaite dans les circonscriptions. En réalisant nos travaux, nous avons placé les électeurs au centre de notre démarche. En ce sens, nous considérons que la nouvelle carte électorale est celle qui s’approche davantage de cette égalité recherchée pour l’ensemble des électrices et des électeurs du Québec. En effet, elle vient regrouper des quartiers et des communautés qui présentent le plus d’intérêts communs tant sur le plan social qu’économique. Les commissaires se joignent à moi pour remercier toutes les personnes qui sont venues enrichir notre réflexion tout au long de cette démarche qui, nous en sommes conscients, peut difficilement faire l’unanimité », a conclu le président de la CRE, Pierre Reid.
La nouvelle carte électorale entrera en vigueur au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale pour la tenue d’une élection générale. Pour plus d’information sur la délimitation de chacune des circonscriptions, consultez le site Web de la Commission de la représentation électorale.